La préservation de l'environnement, la lutte contre l'érosion de la biodiversité, la résorption des ilots de chaleur en ville sont de grands enjeux actuels, qui imposent de revisiter certains pans de notre droit, notamment du droit civil.
Une des voies possibles, applicable dès à présent, est de reconnaître l'intérêt écologique des arbres, en particulier en ville, pour éviter les coupes inutiles.
- Un jugement du 3 octobre 2023 rendu par le Tribunal judiciaire de Nantes est une illustration intéressante de cette problématique.
- Le Tribunal a rejeté la demande de voisins visant à obtenir l'étêtage ou le déplacement d'un arbre implanté à moins de 2 mètres de la limite de propriété.
- Action engagée sur le fondement de l'article 672 du code civil qui prévoit pourtant que "le voisin peut exiger que les arbres (....) planté à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée (...)".
Ce jugement est intéressant en ce qu'il rejette la demande sur le fondement de l'article 2 de la Charte de l'environnement et du préjudicie écologique qui en résulterait :
" Selon toute vraisemblance, le tulipier du Japon se situe à moins de deux mètres de la limite séparative et culmine à plus de deux mètres de hauteur quand bien même aucun relevé n'a été effectué avec précision.
Toutefois, le tulipier du Japon est implanté depuis plus de 10 ans puisqu'il était déjà présent lors de l'installation de X et de Y dans leur logement en mars 2011.
Il présente à ce jour une importance sur le plan environnemental et écologique indéniable faisant partie d'un ensemble végétalisé participant à la préservation de l'écosystème local.
Il apporte un bénéficie à la collectivité - et pas seulement à X et Y - par les bienfaits environnementaux qui s'évincent de toute végétation.
A ce titre, il doit être préservé conformément à l'article 2 de la Charte de l'environnement selon lequel 'toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement'.
La coupe de cet arbre à hauteur de deux mètres est de nature à causer un préjudicie écologique au sens de l'article 1247 du code civil.
Seul un entretien régulier et en conformité avec les périodes usuelles de taille de la végétation est nécessaire s'agissant spécifiquement des branches débordant de la parcelle".
Il s'agit d'une décision de première instance, qui peut encore faire l'objet d'un appel.
Elle permet toutefois d'éclairer la question de la place de l'arbre en ville, au sein de notre code civil, et de la préservation de l'environnement dit "banal" ou "quotidien".
Romain LEMAIRE