Blog de Romain Lemaire Avocat
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Focus sur le principe de prévention : l'évaluation environnementale des projets


 

1.      Le principe de prévention est central en droit de l’environnement.

 

Il a une valeur constitutionnelle, consacré par l’article 3 de la Charte de l'environnement de 2004 qui est adossée par la Constitution française :

 « Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences ».

 

https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000790249

 

La Loi, à travers l’article L.110-1 du code de l’environnement, définit le principe d'action préventive et de correction des atteintes à l'environnement, qui doit être fait par priorité à la source, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable :

 « Ce principe implique d'éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu'elle fournit ; à défaut, d'en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n'ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées »

 

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038845984/

 

Appliqué au développement de projets, le principe de prévention oblige à anticiper et éviter les atteintes que toute activité est susceptible de porter à l'environnement.

 

En raison de leurs incidences potentielles sur l'environnement, la réalisation de certains projets d'infrastructures, industriels, d'énergies renouvelable, de construction ou d’aménagement doit être précédée d’une étude d’impact environnementale.

 

2.      Qu’entend-on par « projet » dans ce cadre ?

 

L’article L. 122-1 du code de l’environnement définit le « Projet » comme : « la réalisation de travaux de construction, d'installations ou d'ouvrages, ou d'autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, y compris celles destinées à l'exploitation des ressources du sol »

 

Lorsqu'un projet est constitué de plusieurs travaux, installations, ouvrages ou interventions dans le milieu naturel ou le paysage, il doit être appréhendé dans son ensemble, et ce, afin que ses incidences sur l'environnement soient évaluées dans leur globalité.

 

Cela concerne notamment les projets fractionnés dans le temps et dans l'espace, et le cas de maîtres d'ouvrage multiples.

 

3.      Quand un projet est-il soumis à évaluation environnementale ?

 

Le code de l'environnement distingue trois cas de figure :

-     le projet est soumis systématiquement à étude d’impact

-     le projet est soumis après décision au « cas par cas »

-     le projet est soumis au "cas par cas" par le mécanisme de la « clause-filet »

 

Les projets concernés sont visés dans une nomenclature, qui est annexée à l'article R.122-2 du code de l’environnement.

 

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000046012176

 

En fonction de leur caractéristiques et des seuils fixés, les projets sont soumis à une évaluation environnementale, soit automatiquement, soit après décision de l’Administration (on parle d’un examen « au cas par cas »).

 

L'influence du droit européen est directe.

 

Pour fixer ces critères, ces seuils et déterminer les projets relevant d'un examen au cas par cas, il est tenu compte des données mentionnées à l'annexe III de la directive 2011/92/ UE modifiée du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement.

 

3.1 L’étude d’impact doit être systématique pour les projets d’une certaine envergure.

Par exemple, il peut s’agir :

  • de certaines ICPE, tel qu'un parc éolien, une grande carrière de matériaux, certain élevage bovin classé,
  • de la construction d’infrastructures (ligne ferrée, tramway, route, aérodrome).
  • d'installations photovoltaïques dépassant un MWc ou une opération d'aménagement dépassant dix hectares.

 

3.2. Sous les seuils du régime de soumission systématique à étude d’impact, un grand nombre de projets relève de l’examen « au cas par cas ».

 Ce régime s’applique notamment:

  • à la plupart des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) soumises à autorisation,
  • aux travaux et installations sur le milieu aquatique (cours d’eau, aménagement de plage, érosion côtière, etc.),
  • aux projets d’aménagement ou de construction dépassant 10. 000 m² de surface de plancher ou d’emprise au sol.

 

Concrètement, le préfet de Région est saisi par le porteur de projets, qui doit exposer les principaux enjeux du site et de son projet. Au regard des éléments transmis, l’administration décide si le projet doit ou non faire l’objet d’une étude d’impact préalable.

 

L’autorité environnementale dispose d’un délai de 35 jours pour prendre sa décision, à compter de la réception du formulaire complet. En l’absence de réponse dans le délai de 35 jours, naît une décision implicite valant obligation de réaliser l’étude d’impact

 

3.3. Depuis 2022, et même s’il se trouve sous les seuils de la nomenclature, tout autre projet, y compris de modification ou d'extension,  peut être soumis à évaluation environnementale. Il s’agit du mécanisme dit de la « clause-filet », qui vise à respecter les obligations issues du droit européen.

 

Il doit s’agir d’une première saisine dans le cadre d'une procédure d'autorisation ou d'une déclaration.

 

Par décision motivée et dans un délai de quinze jours, l’Administration chargée de valider le projet peut informer le maître d’ouvrage que son projet est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement et la santé humaine au regard des critères énumérés à l'annexe de l'article R.122-3-1, et que son projet doit faire l’objet d’un examen « au cas par cas », décrit ci-dessus.

 

Le porteur de projet doit alors de saisir l’autorité compétente qui décidera de la nécessité, ou non, de réaliser une étude d’impact, comme en procédure au cas par cas.

 

4.      Que signifie la démarche d’évitement, de réduction et de compensation des impacts ?

 

Dans le cadre d’une demande d’autorisation administrative, il s’agit d’une analyse des impacts potentiels du projet sur l'environnement.

 

Le contenu de l’évaluation et le processus sont réglementés par le Code de l'environnement.

 

L’étude d’impact est un dossier technique, réalisé par un bureau d’études, sous la responsabilité du maître d’ouvrage.

 

Elle doit décrire l’état initial du site (environnement naturel et humain, inventaire des espèces présentes, sites protégés, risques naturels, etc.), puis étudier les incidences du projet sur la biodiversité, le voisinage, l'utilisation des sols, la gestion de l'eau, les émissions atmosphériques et sur le climat.

 

A l’issue de cette analyse, l’étude d’impact définit les mesures envisagées pour limiter les conséquences.

 

L’objectif est de prévenir les incidences du projet par des mesures d’évitement adéquates. Il peut s’agir, par exemple, du choix du site, de l’implantation des ouvrages, d’éviter un boisement ou une zone humide, ou des secteurs écologiquement riches et sensibles.

 

Lorsque des impacts ne peuvent être éviter, les conséquences doivent être réduites par des mesures adéquates.

 

Si malgré les mesures de réduction, des impacts résiduels sont identifiés, il faut prévoir des mesures de compensation. Il s’agit d’une obligation de résultat : le projet ne doit pas entrainer de perte nette de biodiversité.

 

Ces mesures peuvent être réalisées par le porteur de projets, confiées à un opérateur de compensation.  Depuis la loi du 23 octobre 2023 dite « industrie verte », il est possible d’acquérir des unités de compensation dans le cadre d'un site naturel de compensation, de restauration et de renaturation (trois sites ont été agréés par Décret au 31.10.2024).

 

 

5.      Une fois l’étude d’impact réalisée, la décision est prise

 

L’évaluation environnementale est réalisée sous la responsabilité du porteurs de projets et les mesures prises pour éviter, réduire ou compenser les incidences sur l’environnement font partie intégrante de son dossier.

 

A l’issue de l’instruction, une fois l’autorisation administrative délivrée, les mesures « éviter-réduire-compenser » s’imposent directement au maître d’ouvrage.

 

Pour autoriser un projet soumis à évaluation environnementale, l’Administration doit prendre en considération l'étude d'impact, ainsi que les avis émis des autorités consultées et le résultat de la consultation du public (article L.122-1-1 du code de l’environnement)

 

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042654900/2024-10-31?isSuggest=true

 

La décision doit être motivée au regard des incidences notables du projet sur l'environnement.

 

Doivent être indiquées, les prescriptions à respecter le maître d'ouvrage, les mesures et caractéristiques du projet destinées à éviter les incidences négatives notables, réduire celles qui ne peuvent être évitées et compenser celles qui ne peuvent être évitées ni réduites.

 

La décision comporte également les modalités du suivi des incidences du projet sur l'environnement ou la santé humaine.

 

Le calendrier de réalisation doit être respecté et le non-respect des mesures de compensation sera sanctionné.

 

Cela s’applique également pour une autorisation d’urbanisme, en application de l’article L. 424-4 du code de l’urbanisme : 

 

« Lorsque la décision autorise un projet soumis à évaluation environnementale, elle comprend en annexe un document comportant les éléments mentionnés au I de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement ».

 

De même, en cas de refus d'autorisation, la décision doit être motivée. Les motifs de ce refus tirés des incidences notables potentielles du projet sur l'environnement doivent être indiqués.

 

 

6.      L’étude d’impact, une source potentielle de litige

 

En cas de décision administrative au « cas par cas » imposant de réaliser une étude d’impact du projet, une telle décision peut être contestée par le maitre d’ouvrage devant le juge administratif.

Un recours administratif préalable doit alors être effectué avant de saisir le Tribunal.

 

En cas de rejet de sa demande administrative, le pétitionnaire peut également saisir le juge administratif pour contester la décision de refus.

 

Dans le cas d’un recours de tiers à l’encontre de l’autorisation, l’insuffisance de l’évaluation environnementale constitue un risque d’annulation par le juge administratif, dès lors que les insuffisances du dossier sont de nature à exercer une influence sur la décision ou à priver le public consulté d’une garantie.

 

Dans le cadre d’une action en référé, l’absence d’étude d’impact qui devait être jointe au dossier de demande est une motif de suspension de l’autorisation, sans condition d’urgence : « le juge des référés, saisi d'une demande de suspension de la décision attaquée, y fait droit dès que cette absence est constatée ».

 

Romain Lemaire

AARPI SQUAIR

31 octobre 2024

 


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