Blog de Romain Lemaire Avocat
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Le principe de non-régression de la protection de l'environnement


A côté de grands principes du droits de l'environnement, comme ceux du pollueur-payeur, de prévention et de précaution, le principe de non-régression de la protection de l'environnement a été défini plus récemment par la Loi n°2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité.

 

Il figure à l’article L.110-1 du code de l’environnement :

I. - Les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sons et odeurs qui les caractérisent, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l'air, la qualité de l'eau, les êtres vivants et la biodiversité font partie du patrimoine commun de la nation. Ce patrimoine génère des services écosystémiques et des valeurs d'usage.

Les processus biologiques, les sols et la géodiversité concourent à la constitution de ce patrimoine.

(…)

 II. Leur connaissance, leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état, leur gestion, la préservation de leur capacité à évoluer et la sauvegarde des services qu'ils fournissent sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants 

(…)

«9o Le principe de non-régression, selon lequel la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ».

 

Ce nouveau principe avait alors inspiré des réticences importantes de certains parlementaires qui craignaient de perdre une partie de leur compétence législative, et il avait également été source d’espoir pour les justiciables et les associations de défense de l’environnement.

 

Pour le Conseil Constitutionnel, ce principe d'amélioration constante de la protection de l'environnement, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, s'impose, dans le cadre des dispositions législatives propres à chaque matière, au pouvoir réglementaire (Conseil constitutionnel, 4 août 2016, n° 2016-737)

 

https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2016/2016737DC.htm

 

 

Qu’en est-il en pratique après quelques années ?

 

Il doit être observé que la méconnaissance de ce principe de non-régression n’a été retenue que par quelques décisions de justice.

 

Par exemple, un arrêté du ministre chargé de l'aviation civile qui permettait la délivrance de dérogations à l’interdiction d'atterrissage nocturne sur l'aéroport de Beauvais-Tillé :

 

« Faute pour l'administration, d'une part, d'avoir encadré le surcroît du trafic aérien nocturne qui pourrait résulter de l'octroi de ces dérogations et d'autre part, d'avoir indiqué les motifs d'intérêt général qui pourraient le cas échéant les justifier, les associations requérantes sont fondées à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions du 9° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement. posant le principe de non-régression de la protection de l'environnement. » (Conseil d'État, 9 juillet 2021, n° 439195)

 

Souvent la méconnaissance de ce principe n’a pas été retenue. Par exemple, pour la modification du régime ICPE vers l’enregistrement :

« le décret a pour effet de soumettre certaines des activités susceptibles d'affecter l'environnement au régime de l'enregistrement, les soumettant ainsi à l'obligation de réaliser une évaluation environnementale après un examen au cas par cas par le préfet. Alors même que certaines d'entre elles étaient auparavant au nombre des activités devant faire l'objet d'une évaluation environnementale de façon systématique, le décret ne méconnaît pas, par lui-même, le principe de non-régression de la protection de l'environnement énoncé au II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement dès lors que, dans les deux cas, les activités susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement doivent faire l'objet, en application de l'article L. 122-1 du code de l'environnement combinées avec celles de l'article L. 512-7-2 s'agissant de celles soumises au régime de l'enregistrement, d'une évaluation environnementale. Le moyen tiré de l'atteinte au principe de non régression peut, par suite, être écarté » (Conseil d'État, 25 septembre 2019, n° 427145)

 

Très récemment, par une décision du 27 mars 2023, le Conseil d’Etat a précisé les contours de ce principe :

 

« Le principe de non-régression, tel que défini au 9° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement s'impose au pouvoir réglementaire lorsqu'il détermine des règles relatives à l'environnement.

 

Il n'est toutefois pas invocable lorsque le législateur a entendu en écarter l'application dans un domaine particulier

Ou

lorsqu'il a institué un régime protecteur de l'environnement et confié au pouvoir réglementaire le soin de préciser les conditions de mise en oeuvre de dérogations qu'il a lui-même prévues à ce régime ».(Conseil d'État, 27 mars 2023, n°463186)

 

https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2023-03-27/463186

 

Le Conseil d’Etat définit ainsi un cadre dans lequel le principe de non-régression ne peut pas être utilement invoqué.

 

Dans cette affaire, la légalité du décret du 14 février 2022 relatif aux substances radioactives éligibles aux opérations de valorisation était contestée par l'association Réseau « Sortir du nucléaire ».

 

Le Conseil d’Etat a considéré que :

 

« le dispositif permettant la réutilisation de matériaux, institué par les dispositions réglementaires attaquées, comporte des garanties destinées à prévenir les risques pour la santé et l'environnement.

Par suite, eu égard à la très faible radioactivité des substances dont la valorisation est susceptible d'être autorisée sur le fondement des décrets attaqués et aux garanties qu'ils prévoient, ces décrets ne conduisent pas à une régression de la protection de l'environnement, en méconnaissance des dispositions du 9° de du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement. »

 

 

En l’état du droit, le principe de non-régression de la protection de l’environnement ne s’impose donc pas au législateur.

 

Contrairement au principe de précaution, le principe de non-régression ne figure pas dans la Charte de l’environnement qui est adossée à notre Constitution et n’est pour l’heure pas reconnu comme un principe à valeur constitutionnelle.

 

https://www.legifrance.gouv.fr/contenu/menu/droit-national-en-vigueur/constitution/charte-de-l-environnement


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