Où peut-on installer des panneaux photovoltaïques en zone agricole ?
L’agrivoltaïsme : entre enjeux énergétiques et préservation des terres
La préservation des terres agricoles est au cœur de la lutte contre l’étalement urbain et de l’objectif de réduction de l’artificialisation des sols. Le développement de la production d’électricité issue des énergies renouvelables peut créer des conflits d’usage et d’utilisation du foncier agricole.
La recherche d’un équilibre est donc délicate lorsqu’il s’agit d’encourager et d’encadrer le développement des installations photovoltaïques dans les zones rurales et naturelles.
La Loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables a modifié notamment le code de l’urbanisme et le code de l’énergie, afin de créer un cadre légal applicables à l'agrivoltaïsme.
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047294244/
1. La création d’un cadre légal de l’agrivoltaïsme en toiture
- Dans le cadre de développement de la production d’électricité issue des énergies renouvelables, l’intérêt d’exploiter le potentiel des larges toitures des hangars agricoles et d’y apposer des panneaux photovoltaïques est évident.
Pour le Conseil d’Etat, cette pratique ne remet pas intrinsèquement en cause la destination agricole du bâtiment.
Le code de l’urbanisme autorise en zone agricole, de manière générale, les constructions compatibles avec la vocation agricole. Cependant, les contentieux ne sont pas rares et les justiciables mettent souvent en doute le caractère agricole d’une telle construction, au regard notamment des besoins de stockage de l’exploitant agricole :
- pour un exemple très récent Tribunal administratif de Dijon, 23 mars 2023, n°2102386 :
https://www.doctrine.fr/d/TA/Dijon/2023/TAC82C09E1DFC537F2FC32
- CAA Bordeaux, 22 déc. 2020, n° 19BX02649 après arrêt du Conseil d’Etat :
- Le Législateur vient de fixer un cadre légal applicable à la production d’électricité en milieu rural, par le biais de la Loi n°2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables.
Un des aspects de cette loi est la création dans le code de l’urbanisme d’une nouvelle section au sein des règles composant le « Règlement national d’urbanisme » (« RNU »), qui est un ensemble de règles d’occupation des sols qui s’applique au territoire français.
L'article L.111-28 du code de l’urbanisme a été créé, qui est relatif aux panneaux solaires en toiture d’un bâtiment agricole :
« L'installation des serres, des hangars et des ombrières à usage agricole supportant des panneaux photovoltaïques doit correspondre à une nécessité liée à l'exercice effectif d'une activité agricole, pastorale ou forestière significative ».
La Loi impose qu’un hangar agricole sur lequel sont installés des panneaux solaires doit être une nécessité liée à l’exercice d’une activité agricole significatif.
L’objectif est de créer une définition commune qui s’impose au-delà de la rédaction du plan local d’urbanisme applicable.
2. Les règles d’implantation les installations agrivoltaïques sont définies
- L’article L.111-27 du code de l’urbanisme considère « comme nécessaires à l'exploitation agricole, pour l'application des articles L.111-4, L.151-11 et L.161-4 du présent code, les installations agrivoltaïques au sens de l'article L.314-36 du code de l'énergie ».
- Le « RNU » intègre également un nouvel article L.111-29 du code de l’urbanisme, qui précise que la surface à prendre en compte est l’emprise d’un seul tenant de l’exploitation agricole :
« Pour l'application des articles L.111-4, L.151-11 et L.161-4, la compatibilité avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière des ouvrages de production d'électricité à partir de l'énergie solaire s'apprécie à l'échelle de l'ensemble des terrains d'un seul tenant, faisant partie de la même exploitation agricole, pastorale ou forestière, au regard des activités agricoles, pastorales ou forestières qui y sont effectivement exercées ou, en l'absence d'activité effective, qui auraient vocation à s'y développer ».
Les articles précités s’appliquent dans les cas suivants :
- En cas d’absence de PLU, article L.111-4 du code de l’urbanisme
« Peuvent toutefois être autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune :
(…)
2° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées,
- Dans le cas où le territoire est couvert par une carte communale, article L.161-4 :
- Dans le cas où le territoire est couvert par un PLU, article L151-11 du code de l’urbanisme :
- Sur la création d’un document-cadre
Contenu
- Il définit les surfaces agricoles et forestières ouvertes à un projet d'installation et les conditions d'implantation dans ces surfaces, y compris les sols réputés incultes ou non exploités
- Ces zones sont intégrées dans les zones d'accélération prévues à l'article L. 141-5-3 du code de l'énergie
Procédure d’élaboration du document-cadre (article L.111-29)
- Proposition par la chambre départementale d'agriculture
- Avis obligatoires
3.Approuvé par un arrêté préfectoral,
- Sur l’autorisation administrative
- Les ouvrages de production d'électricité à partir de l'énergie solaire, mentionnés aux articles L.111-27 à L. 111-29 du code de l’urbanisme, ne sont autorisés que sous certaines conditions :
- pour une durée limitée
- condition de démantèlement
Il est notable que ce tels mécanismes de remise en état et de constitution garanties financières existe déjà en droit de l’environnement, pour certaines installations pour la protection de l’environnement soumises à autorisation environnementale (garantie).
Le code de l’urbanisme intègre désormais de tels outils juridiques.
L’autorisation est rendue après :
- un avis simple de la CDPENAF sur l’installation est dans les zones du document-cadres
- un avis conforme de la CDPENAF dans les autres cas
La règle posée par le code de l’urbanisme est qu’aucun ouvrage de production d'électricité à partir de l'énergie solaire, ne peut être implanté en dehors des surfaces identifiées dans un document-cadre arrêté, à l’exception des installations agrivoltaïques au sens de l'article L.314-36 du code de l'énergie.
3. Sur la définition d'installations agrivoltaïques dans le code de l’énergie
La Loi du 10 mars 2023 a intégré dans un code de l’énergie une définition d’une installation agrivoltaïque article (article L.314-36) :
- une installation de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil
- dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l'installation, au maintien ou au développement d'une production agricole
Une installation agrivoltaïque doit :
- garantir à un agriculteur actif une production agricole significative et un revenu durable en étant issu
et
- apporter directement à la parcelle agricole au moins l'un des services suivants :
2. adaptation au changement climatique
3. protection contre les aléas
A l’inverse, n’est pas considérée comme agrivoltaïque :
- une installation qui porte une atteinte substantielle à l'un des services précité ou une atteinte limitée à deux de ces services
- une installation qui ne permet pas à la production agricole d'être l'activité principale de la parcelle agricole ou qui n'est pas réversible.
Les dispositions réparties entre les codes de l’urbanisme et de l’énergie, issues de la Loi du 10 mars 2023 sur l'accélération de la production des énergies renouvelables, constituent le cadre légal applicable aux installations photovoltaïques sur des terres agricoles.
Les articles du code de l’urbanisme doivent encore précisés par décret d’application.
Romain LEMAIRE