Romain Lemaire Avocat

Les petits projets peuvent être soumis à évaluation des impacts environnementaux


C'est une évolution du droit de l'environnement qui pourrait avoir des implications nombreuses.

 

Depuis la loi du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature, certains travaux d'aménagement sont soumis à l'obligation de réaliser une étude d'impact. Jusqu'à récemment, seuls les projets qui dépassaient des seuils fixés réglementairement par le code de l'environnement (dans un tableau annexé à l'article R.122-2) devaient faire l'objet d'une évaluation environnementale :

  • soit automatiquement si le seuil est dépassé (projets de grande ampleur),
  • soit après une décision prise par l’administration (on parle de "cas par cas") pour des projets plus restreints.

 

Cette nomenclature couvre des cas très variés d'aménagements et de projets.

Par exemple, parmi bien d'autres, sont soumis dans ce tableau :

  • à évaluation environnementale: les terrains de camping permettant l'accueil de plus de 200 emplacements de tentes, caravanes, résidences mobiles ou d'habitations légères de loisirs.
  • à examen au cas par cas: les terrains de camping permettant l'accueil de 7 à 200 emplacements de tentes, caravanes,etc.

ou

  • à évaluation environnementale, les défrichements portant sur une superficie totale, même fragmentée, supérieure ou égale à 25 hectares.
  • à examen au cas par cas, les défrichements soumis à autorisation (art. L.341-3 du code forestier) en vue de la reconversion des sols, d'une superficie supérieure à 0,5 hectare.

ou, pour les installations classées:

  • à évaluation environnementale, les carrières soumises à autorisation de la rubrique 2510 de la nomenclature ICPE et leurs extensions de plus de 25 hectares; les parcs éoliens soumis à autorisation mentionnés par la rubrique 2980
  • à examen au cas par cas, les autres installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation et à enregistrement

 

La procédure dite de "cas par cas" :

L'autorité chargée de cet examen doit apprécier, dans un délai de 35 jours de la réception du formulaire complet "si les incidences du projet sur l'environnement et la santé humaine sont notables au regard des critères pertinents de l'annexe III de la directive 2011/92/ UE du 13 décembre 2011"
 

L'absence de réponse dans le délai de 35 jours vaut obligation de réaliser une évaluation environnementale (article R. 122-3-1 du code de l"environnement)
 

 

Sous le seuil bas, c'est-à-dire pas d'évaluation environnementale.

Cette approche faisait ainsi échapper à l'étude d'impact des projets de petites dimensions mais dont l'impact environnemental pouvait être sensible, en méconnaissance des obligations issues du droit européen.

 

Il a été remédié à cette situation, en trois actes.

 

  • Premier acte

En avril 2021, à la demande de l'association France Nature Environnement le Conseil d’État a enjoint au Premier ministre de prévoir des dispositions imposant qu'un projet susceptible d'avoir une incidence notable sur l'environnement ou la santé humaine, notamment par sa localisation, puisse être soumis à une évaluation environnementale.

Un délai de neuf mois a été laissé au gouvernement pour agir.

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000043385960
 

  • Deuxième acte

Un décret du 25 mars 2022 a créé un article R.122-2-1 dans le code de l'environnement. Il prévoit que l'autorité compétente soumet à l'examen au cas par cas (article L.122-1 IV) « tout projet, y compris de modification ou d'extension, situé en deçà des seuils fixés (...) dont elle est la première saisie, que ce soit dans le cadre d'une procédure d'autorisation ou d'une déclaration, lorsque ce projet lui apparaît susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine au regard des critères énumérés à l'annexe de l'article R.122-3-1 ».

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000045413959

 

Cette nouveauté a été nommée la "clause-filet", permettant d’attraper des projets hors de la nomenclature.

Concrètement, l'administration peut décider - dans un délai court de 15 jours - de soumettre tout projet à un examen « au cas par cas »; le porteur du projet doit saisir l'autorité en charge de cet examen.

Le maître d'ouvrage peut également saisir l'autorité chargée de l'examen "au cas par cas", de sa propre initiative, pour tout projet situé en-deçà des seuils fixés.

 

  • Troisième acte

En janvier 2022, l'association FNE a saisi à nouveau le Conseil d’État pour qu'il ordonne des mesures d'exécution de sa décision d'avril 2021.

Le 20 janvier 2023, le Conseil d’État a rejeté cette demande et a jugé que "l'article R.122-2-1, instituent bien une obligation, et non une simple option, à la charge de l'autorité compétente".

https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2023-01-20/464129

 

 

Ainsi, le mécanisme juridique de la "clause-filet" est désormais complet : il est applicable lors de la première saisine d’une déclaration ou d’une demande d’autorisation.

Le Conseil d’État a précisé que les demandes d'extension ou de modification d'un projet ne sont pas exclues du champ d'application de ce mécanisme.

 

Et pour reprendre les exemples précités :

- un projet de défrichement d'une surface inférieure à 0,5 hectare entre dans le champs de cette clause-filet et pourrait être soumis à une évaluation au "cas par cas".

- une ICPE soumis au régime de déclaration pourrait, sur décision de l'Administration, devoir faire l'objet d'une procédure d'évaluation au "cas par cas".

 

Enfin, est paru au Journal officiel du 7 février 2023, le Formulaire CERFA « demande d'examen au cas par cas » intégrant cette évolution du droit (CERFA 14734*04).

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047096853

 

Le porteur de projet pourra se référer à la notice explicative n°51656#05.

Ces documents sont accessibles sur les sites http://vosdroits.service-public.fr/et https://entreprendre.service-public.fr/vosdroits/R15289

 

Romain LEMAIRE

 


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